Précision bienvenue de la Cour de Cassation relative à la notion de faute dolosive

Cass. 2e civ., 6 juill. 2023 n°21-24.833

 

·      En application de l’article L. 113-1 al.2 du Code des assurances, la faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré est exclusive de la garantie de l’assureur.

 

·      En raison de l’absence de définition du législateur sur ce que sont « la faute intentionnelle » d’une part et « la faute dolosive » d’autre part, l’application de cet article a donné lieu à un contentieux fourni.

 

·      C’est ainsi que la jurisprudence a longtemps assimilé ces deux notions, les définissant indistinctement comme :

 

o  une faute impliquant une « volonté de causer le dommage » (Cass. 1ère civ., 22mars 1983, n°82-11.393 ; Cass. 1ère civ., 29 oct. 1985, n°84-14.039; Cass. 2e civ., 23 sept. 2004, n°03-14.389) ;

 

o  celle commise par l'assuré avec la « conscience » ou la « connaissance » de la survenance inéluctable du sinistre (Cass. 2e civ., 22 sept. 2005, n°04-17.232 ;Cass. 2e civ., 16 oct. 2008, n°07-14.373 ; Cass. 3e civ., 7 oct. 2008,n°07-17.969) ;

 

o  puis, enfin, comme« une faute impliquant la volonté de l'assuré de causer le dommage tel qu'il est survenu » (Cass. 2e civ., 1er juill. 2010,n°09-10.590 ; Cass. 3e civ., 11 juill. 2012, nos10-28.535, 10-28.616 et11-10.995 ; Cass. 2e civ., 28 févr. 2013, n°11-28.247).

 

·      Toutefois, après avoir exprimé une première distinction entre les deux notions (Cass. 2e civ., 12sept. 2013, n°12-24.650), la 2e chambre civile de la Cour de cassation a instauré un véritable courant jurisprudentiel distinguant la faute dolosive de la faute intentionnelle (Cass. 2e civ, 28 mars 2019,n°18-15829 ; 6 février 2020 n°18-17.868 ; 20 mai 2020, n°19-11.538 ;(Cass. 2eciv., 10 nov. 2021, n°19-12.659), suivie par la 3e chambre civile (Cass. 3e civ 5 déc. 2019, n°18-21679 et 18-22915 ; Cass.3e civ 30 mars 2023, n°21-21084).

·      Cette distinction peut ainsi se résumer comme suit :

-       si l’assuré a voulu non seulement l’action ou l’omission génératrice du dommage mais encore le dommage lui-même tel qu’il est survenu, avec la conscience des conséquences de son acte, il s’agira d’une faute intentionnelle ;

 

-       en revanche, lorsque la faute de l’assuré  est assimilable à une prise de risque délibérée dont il découlera nécessairement un sinistre, il s’agira d’une faute dolosive.

 

·      Reste que la notion de « prise de risque délibérée » était susceptible de faire l’objet d’interprétations divergentes, sources de contentieux entre assureurs et assurés.

 

·      Pour tenter d’éviter ces difficultés la Cour de cassation, sous couvert d’un attendu de principe désormais connu et appliqué, vient préciser, et circonscrire, la notion de faute dolosive :

 

«  7. La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.

(…)

13. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la conscience qu'avait la société Gesdom du caractère inéluctable des conséquences dommageables de la commercialisation de son produit auprès de M. [R], qui ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »(Cass. 2e Civ. 6 juil. 2023, n°21-24.833 – surlignement ajouté par nos soins).

 

·      En synthèse donc, la faute dolosive ne peut être retenue que :

 

(i)      lorsque l’acte délibéré de l’assuré a pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et ;

 

(ii)     de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque.

…et non simplement lorsque l’assuré avait « conscience du risque d'occasionner le dommage » : cette précision est donc la bienvenue pour les assurés et assureurs.