Jurisprudence

 

 ·        Contrat de travail

L'obligation à laquelle est tenu le nouvel employeur, en cas de reprise du contrat de travail du salarié d'une entreprise par application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir à son bénéfice les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés (Cass. Soc., 28 septembre 2022n° 20-23.613)

La seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée (Cass. soc., 14 septembre 2022 n°21-12.175)

 

·        Durée du travail

 La cour d'appel, qui a retenu que la convention de forfait de salaire pour un horaire indéterminé à laquelle la salariée était soumise ne lui était pas opposable, en a exactement déduit que le paiement des jours de congés supplémentaires accordés en contrepartie de ce forfait de rémunération était devenu indu (Cass. Soc., 28 septembre2022 n° 21-19.313)

Un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires (Cass. soc., 21 septembre 2022 n°21-14.106)

Le salaire horaire auquel s'applique la majoration pour heure supplémentaire est

le salaire versé en contrepartie directe du travail fourni en sorte que seuls les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires. La prime d'ancienneté, qui n'est pas directement rattachée à l'activité personnelle du salarié, est donc exclue du salaire servant de base de calcul des majorations (Cass. soc., 28 septembre 2022 n°21-15.034)

  

·        Rupture du contrat de travail

La salariée ne bénéficie pas de la protection absolue pendant le congé pathologique dès lors que le certificat médical ne mentionnait pas cet état lié à la grossesse, l'attestation du médecin traitant indiquant cet état pathologique avait été établie près d'un an et demi après les faits (Cass. soc., 14 septembre 2022, n° 20-20.819).

Le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle antidaté n'ayant pas permis au salarié d'exercer son droit à rétractation, le consentement donné parle salarié à la rupture conventionnelle est donc vicié (Cour d'appel d'Aix-en-Provence - Chambre 4-1 17 juin 2022 n° 18/20412)

La lettre de licenciement reprochant au salarié d'avoir produit dans le cadre de l'instance prud'homale les bulletins de salaires de cinq de ses collègues obtenus frauduleusement, la cour d'appel aurait dû en déduire que la seule référence dans la lettre de rupture à la procédure contentieuse engagée par le salarié contre son employeur était constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice (Cass. Soc., 28 septembre 2022 n° 21-11.101).

  

·        Prise d’acte

 Le juge ne peut débouter un salarié demandant à ce que sa prise d'acte soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse en se référant uniquement à l'ancienneté des manquements et alors que ces manquements avaient motivé la décision de la salariée de prendre un congé parental (Cass. soc., 28 septembre 2022 n°21-12.546)

 

·        Clause de non-concurrence

Le contrat de travail du salarié stipulant que « la durée de cette interdiction de concurrence sera d'un an, renouvelable une fois » et l'interdiction n'ayant pas été renouvelée pour une nouvelle période d'un an, la cour d'appel ne pouvait considérer que l'employeur restait tenu du respect de la clause pendant encore une année à l'expiration des douze premiers mois (Cass. soc., 21 septembre 2022 n°20-18.511)

  

·        Nullité du licenciement

En octobre, une salariée fait l’objet d’un avertissement pour absence injustifiée. En novembre, elle saisit la juridiction prud’homale afin de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail et l’annulation de l’avertissement. En décembre, elle est licenciée pour cause réelle et sérieuse et conteste le bien-fondé de ce licenciement.

Aux termes de l’article L. 1235-2-1 du Code du travail, en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L. 1235-3-1.

Ces dispositions offrent ainsi à l’employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l’indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire.

Il en résulte que, lorsque l’employeur le lui demande, le juge examine siles autres motifs invoqués sont fondés et peut, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l’indemnité versée au salarié qui n’est pas réintégré, dans le respect du plancher de six mois prévus par l’article L. 1235-3-1. Après avoir retenu que l’un des griefs invoqués par l’employeur porte atteinte à la liberté fondamentale de la salariée d’agir en justice et constaté que l’employeur ne critique pas à titre subsidiaire la somme réclamée par cette dernière en conséquence de la nullité du licenciement, la cour d’appel apprécie souverainement le montant du préjudice. (Cass. soc., 19 oct. 2022, n° 21-15533)

 

·        Licenciement économique

La baisse du chiffre d’affaires sur plusieurs trimestres n’est qu’un indicateur parmi d’autres et il appartient au juge de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l'évolution significative d'au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par l’article L. 1233-3,1° du code du travail (Cass. soc. 21 septembre 2022, n° 20-18.511)

Lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend notamment en compte, dans le choix du salarié concerné, le critère tenant à la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés.

Rentre dans cette catégorie les salariés engagés dans le cadre d'un contrat d'insertion revenu minimum d'activité, dispositif ayant pour objet de faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi (Cass. soc., 12 juillet 2022 n° 20-23.651)

Les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un PSE s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur.

Il n'en va autrement que lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de l'UES (Cass. soc., 28 septembre 2022 n°21-19.092)

  

·        Rémunération

A la suite du confinement, un certain nombre de salariés ont fait le choix d'installer leur domicile en Province.

En l'espèce, l'employeur avait décidé de refuser les remboursements de frais de transport de salariés dont le domicile est situé à plus de deux heures de leur lieu habituel de travail.

Pour le Tribunal cette restriction est irrégulière et l'employeur ne saurait créer des conditions supra legem pour supprimer un avantage en nature au profit des salariés (TJ Paris, 5 juillet 2022, n° RG 22/04735)

 

·        Relations collectives,

Ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n'a pu être conclu que l'autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.

En l’espèce, la Cour a considéré qu’il n’y avait pas eu tentative loyale de négociation aux motifs que :

-     des éléments déterminants tels que les effectifs par site et la classification professionnelle des salariés n'ont pas été communiqués aux OS invitées à négocier le protocole d'accord préélectoral malgré les demandes formulées à plusieurs reprises par ces dernières,

-     des informations essentielles relatives aux effectifs n'ont été actualisées que l'avant veille de la dernière réunion de négociation

-     la question de la répartition du personnel n'a été abordée pour la première fois que lors de cette réunion au cours de laquelle les sociétés composant l'UES ont refusé aux OS un accès aux registres uniques du personnel autrement que par entité et sur le site de chacune d'elle,

-     la direction a mis fin de manière unilatérale à la négociation au motif que la même réunion devait être la dernière, demandant aux OS de se positionner sur le projet de protocole d'accord préélectoral communiqué l'avant veille et sans que celles-ci n'aient été en mesure de contrôler les effectif (Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 21-11.420)

 

Aux termes de l'article L2312-16 du code du travail, le délai de consultation du CSE est fixé par un accord collectif, ou en l'absence de délégué syndical, par un accord entre l'employeur et le CSE adopté à la majorité des titulaires, ou à défaut d'accord par les délais réglementaires fixés aux articles R. 2312-5 et R. 2312-6 du code du travail. Un accord de prolongation des délais de consultation peut être conclu avec les membres du CSE.

Au terme du délai de consultation fixé par accord, le CSE décide de recourir à un expert, ce que l'employeur conteste.

Le Tribunal donne raison au CSE en considérant que la décision du CSE de recourir à un expert le dernier jour du délai préfix de consultation fixé par accord, la durée de consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ. 

La Cour de cassation censure ce raisonnement : l'accord sur les délais de consultation excluait l'application des délais réglementaires fixés, à défaut d'accord, par l'article R. 2312-6 du code du travail et qu'au jour où il statuait, le délai étant échu, le comité était réputé avoir émis un avis négatif de sorte que l'expertise ne pouvait qu'être annulée (Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.077)

 Le code du travail prévoit une consultation obligatoire et préalable du CSE qui intervient de manière ponctuelle notamment en cas d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail mais également de manière récurrente au moins une fois par an, sauf accord d’entreprise, pour permettre de recueillir l’avis des élus du CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise ;

Un projet modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et qui est une déclinaison des orientations stratégiques de l’entreprise ayant donné lieu à consultation du CSE ne dispense pas l’employeur de la consultation ponctuelle prévue par l’article L 2312- 8 du code du travail, ces deux consultations étant distinctes (TJ Créteil, ord. réf., 24 juin 2022, n° RG 22/00315)

 

L'article L. 2314-33 du code du travail doit être interprété en ce sens que lorsque tous les élus ou tous les candidats qu'elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés délégué syndical, l'organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l'un de ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou l'un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique (Cass. soc., 28septembre 2022 n° 21-19.005)

 

·          Harcèlement

L’enquête interne réalisée par l’employeur pour établir la réalité des faits dénoncés n’est soumise à aucun formalisme et ne peut donc être écartée aux motifs que la durée de l'interrogatoire n'est pas précisée, pas plus que le temps de repos, que seules les deux salariées qui se sont plaintes de son comportement ont été entendues, que cette audition a été commune, que l'ensemble de ces éléments et notamment le caractère déloyal de l'enquête à charge réalisée par l'inspection générale, sans audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés par les deux salariées, sans information ou saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (Cass. soc. 29 juin 2022, n° 21-11.437)

Il ne peut être reproché au salarié des faits de harcèlement moral dès lors que les méthodes managériales de ce dernier envers une autre salariée n'étaient ni inconnues, ni réprouvées par sa hiérarchie, qu’il avait agi en concertation avec son supérieur hiérarchique et que l'employeur avait d'ailleurs pris fait et cause pour lui ; le comportement du salarié était le résultat d'une position managériale partagée et encouragée par l'ensemble de ses supérieurs hiérarchiques (Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 20-22.857)

  

·          Sécurité/Conditions de travail

 Manque à son obligation de sécurité l’employeur qui fait travailler le salarié durant un arrêt de travail (Cass. soc., 6juillet 2022, n° 21-11.751)

  

·          Accident du travail

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Le comportement de la victime qui aurait concouru à la réalisation de l'accident n’est pas de nature à écarter la faute inexcusable de l’employeur (Cass. soc., 2 juin 2022, 21-10.479)

  

Charlotte Hammelrath

Ronan Le Balc'h

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