La loi « Climat et résilience » promulguée le 25 août 2021 instaure les délits environnementaux que sont le délit de mise en danger de l’environnement, le délit de pollution de l’air et de l’eau, le délit de pollution des sols par des déchets, et le délit « d’écocide ». L’objectif de la loi est de mieux lutter contre la délinquance environnementale notamment par la création de ces délits et le durcissement de l’échelle des peines existantes.


Sous l’impulsion de la Convention citoyenne pour le climat et à l’issue de nombreux débats parlementaires, la Loi n° 2021-1104 dite Loi « Climat et résilience » est entrée en vigueur le 25 août 2021.
Cette loi a apporté de nombreuses modifications au Code de l’environnement notamment en ses sections relatives au droit pénal de l’environnement.
Elle a tout d’abord substantiellement réhaussé le montant des amendes. Par exemple, mais ce n’en n’est qu’un parmi plus de 20 infractions dont la sanction a été réhaussée, la destruction d’un site classé (article L.341-19. III. et suivants du Code de l’environnement) : cette destruction est désormais punie de 375.000 euros d’amende, montant pouvant être augmenté « jusqu'au double de l'avantage tiré de la commission de l'infraction ». Ce système de quantification de l’amende en fonction de l’avantage tiré de la commission de l’infraction a été étendu à 17 infractions du Code de l’environnement.
Surtout, la loi « Climat et résilience » introduit des nouveaux délits :

  • deux délits de mise en danger de l’environnement (articles L.173-3-1 du Code de l’environnement et L.1252-5 du Code des transports) ;
  • trois délits d’atteinte à l’environnement : le délit de pollution de l’air et de l’eau (article L.231-1 du Code de l’environnement) (II) et le délit pollution des sols par des déchets (article L.231-2 du Code de l’environnement) (III) qui sous leur forme aggravée constituent le délit d’écocide (article L.231-3 du Code de l’environnement) (IV).

I. Délit de mise en danger l’environnement (articles L.173-3-1 du Code de l’environnement et L.1252-5 du Code des transports)

La Loi « Climat et résilience » a introduit, à l’article L.173-3-1 du Code de l’environnement un délit dont la formulation reprend celle du délit de mise en danger de la vie d’autrui (article 2231-1 du Code pénal) et qui sanctionne, non pas le fait de porter atteinte à l’environnement, mais simplement le fait d’exposer l’environnement à un « risque immédiat » d’atteinte grave et durable.
Ce nouveau délit crée une circonstance aggravante en cas de mise en danger de l’environnement par l’exploitation d’une installation classée sans l’autorisation, titre ou enregistrement requis (article L.173-1) ou ne respectant pas une mise en demeure de l’autorité administrative (article L.173-2) lorsque ces faits « exposent directement la faune, la flore ou la qualité de l'eau à un risque immédiat d'atteinte grave et durable » (plus de 7 ans).

L’article L.1252-5 du Code des transports est lui aussi modifié en ce que le non-respect des prescriptions relatives au transport de marchandises dangereuses exposant l’environnement « à un risque immédiat d'atteinte grave et durable» (plus de 7 ans) est une circonstance aggravante de mise en danger de l’environnement.
Dans ce cas, les infractions visées ci-dessus pourront être sanctionnées de « trois ans d'emprisonnement et de 250 000 € d'amende » pouvant être portée au triple de l'avantage tiré de la commission de l'infraction.

II. Délit de pollution de l’air et de l’eau (article L. 231-1 du Code de l’environnement)

Le premier, le délit de pollution de l’air et de l’eau est constitué dès lors qu’ont été émises dans l’air, jetées ou déversées « dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances » :


1. « dont l'action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune [...] ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau »

Si les notions d’« effets nuisibles graves » ou de « modifications graves » devront être définies par la jurisprudence, l’article précise que doivent être considérés « comme durables les effets nuisibles [...] qui sont susceptibles de durer au moins sept ans » tout comme pour les délits de mise en danger de l’environnement.


2. « par une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement »

Pour caractériser cette infraction, dont la rédaction reprend en partie les articles du Code pénal sur les atteintes involontaires à l’intégrité des personnes (articles L. 121-3 al 3 et L.222-19 al 2 du Code pénal), démontrer la simple négligence ou omission n’est pas suffisant : la preuve de la connaissance de l’obligation de prudence et de sécurité, d’une part, et de l’intention d’y contrevenir, d’autre part, est requise.
Par ailleurs, seule la violation d’une obligation « particulière » de prudence et de sécurité permettra d’engager la responsabilité des personnes sur ce fondement. Or, la Cour de cassation a, dans sa jurisprudence relative aux atteintes involontaires à l’intégrité des personnes, abondamment défini l’obligation particulière de prudence et de sécurité : Une telle obligation doit être fondée sur un texte (tel un arrêté préfectoral par exemple (Cour de cassation, ch. criminelle, 11.07.2017, n°11-83.864)) interdisant un comportement qu’il définit de manière précise et particulière (à l’exclusion donc d’un simple devoir général de prudence)(Cour de cassation, ch. criminelle, 22.09 2015, 14-84.35).


3. avec dans certains cas, la nécessaire violation de prescriptions « fixées par l’autorité administrative compétente »

L’article vient attribuer un pouvoir important aux autorités administratives compétentes en matière de droit pénal de l’environnement puisqu’il est expressément prévu que l’infraction ne pourra être caractérisée :
- en matière d’émission dans l’air, « qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par décision de l’autorité administrative compétente » ;
- pour les opérations de rejets autorisées et l’utilisation de substances autorisées, qu’en cas de non-respect des prescriptions fixées par une décision de l’autorité administrative compétente.

Dès lors que l’infraction est constituée, sont encourus cinq ans d'emprisonnement ainsi qu’une amende d’un million d'euros pouvant être portée au quintuple de l'avantage tiré de la commission de l'infraction et accompagnée d’une obligation de restauration du milieu naturel.

             
III. Délit de pollution des sols par des déchets (article L. 231-2 du Code de l’environnement)


Il s’agit là de l’infraction relative au non-respect des dispositions applicables en matière de gestion et traitement des déchets définies par le Code de l’environnement dont :
- L’interdiction d‘abandonner ou de déposer des déchets dans des conditions contraires aux préconisations du Chapitre Ier du titre IV du livre V du Code de l’environnement ;
- Le fait de gérer des déchets en méconnaissant les prescriptions relatives aux caractéristiques, aux quantités, aux conditions techniques de prise en charge des déchets et aux procédés de traitement mis en œuvre visés au sein des articles L. 541-2, L. 541-2-1, L. 541-7-2, L. 541-21-1 et L. 541-22 du Code de l’environnement.

Ces comportements pourront être sanctionnés de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende et potentiellement accompagnés d’une obligation de restauration du milieu naturel, dès lors « qu’ils provoquent une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l'air, du sol ou de l'eau ».
Cette notion de « dégradation substantielle » n’est pas définie par le texte, il s’agit là d’une simple reprise de l’article 3 de la Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil qui demande aux Etats membres de sanctionner
les agissements entrainant une « dégradation substantielle » de l’environnement. A la lecture de l’article L.231-3 du Code de l’environnement prévoyant des circonstances aggravantes au délit de l’article L.231-2, il semblerait que l’atteinte substantielle soit d’un degré moindre que l’« atteinte grave » à l’environnement qui n’a pas non-plus fait l’objet d’une définition claire. Les contours de ces notions devront donc encore être précisés par la jurisprudence.
Par ailleurs, contrairement à l’article L.231-1 du Code de l’environnement, l’article L. 231-2 n’exige pas la preuve du caractère délibéré de la violation des dispositions contrevenues, seule la violation
des dispositions relatives à la gestion des déchets est nécessaire.

IV. Délit d’écocide (article L. 221-3 du Code de l’environnement)

A l’origine conçu par « l’ambitieuse » Convention citoyenne pour le climat comme un «crime d’écocide » visant à sanctionner de manière générale les atteintes les plus graves et durables à l’environnement, c’est un délit, caractérisé par la forme intentionnelle des infractions prévues aux articles L.231-1 et L.231-2 du Code de l’environnement, qui a été finalement introduit à l’article L. 231-3 dudit code.

Le nouveau délit d’écocide sera caractérisé dès lors que :
- Les faits sanctionnés à l’article L. 231-1 (délit de pollution de l’air et de l’eau) ont été commis intentionnellement ;
- Les faits sanctionnés à l’article L. 231-2 (délit de non-respect des prescriptions en matière de gestion des déchets provoquant une dégradation substantielle de l’environnement) ont été commis de (i) manière intentionnelle et (ii) ont entrainé « des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l'air, du sol ou de l'eau » soit, aux termes de l’article, les atteintes graves dont les effets sont susceptibles de durer au moins sept ans.

Le caractère intentionnel du délit d’écocide implique que la personne ait voulu d’une part, violer délibérément une obligation de sécurité, mais aussi, d’autre part, en ait voulu les conséquences dommageables pour l’environnement. Il se distingue donc de la « violation manifestement délibérée » d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue à l’article L. 231-1 du code de l’environnement qui n’implique pas que la personne ait voulu directement porter atteinte à l’environnement.
Si l’écocide est caractérisé, les faits pourront être sanctionnés de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 4,5 millions d'euros pouvant être portée jusqu'au décuple de l'avantage tiré de la commission de l'infraction.

Perspectives

L’application pratique de ces nouvelles dispositions par les autorités de poursuites va devoir faire l’objet d’une surveillance attentive, non seulement lors des phases d’enquête puis éventuellement d’instruction, mais aussi lors des débats correctionnels (ou dans le cadre de CRPC). En effet, les nombreuses conditions auxquelles sont soumises la réalisation des différentes infractions méritent une défense attentive et exigeante compte tenu de la gravité des sanctions désormais encourues.