DEVOIRDE VIGILANCE - CREATION D’UN POLE SPECIALISE

 

Le 15 janvier 2024, la cour d’appel de Paris a annoncé la mise en place, au sein de son pôle économique, d’une chambre dédiée aux contentieux émergents liés aux litiges sur le devoir de vigilance et la responsabilité écologique.

 

Cette chambre sera compétente pour statuer en appel sur les décisions rendues par le tribunal judiciaire notamment :

 

-         dans les litiges relatifs au devoir de vigilance, créée par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017.

 

Cette loi oblige les multinationales à établir et mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance. Leur responsabilité peut être engagée en cas de manquement à ces obligations visant à prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement, y compris lorsqu’elles sont commises par leurs filiales directes ou indirectes, en France et dans le reste du monde.

 

-         sur les litiges portant sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, qui fait l’objet d’une nouvelle directive européenne « CSDD » en cours de publication.

 

Cette directive oblige les multinationales[1] à s’assurer qu’elles-mêmes, leurs filiales et leurs partenaires commerciaux respectent les droits de l’homme et l’environnement. Elle impose en effet aux multinationales d’adopter des mesures préventives et curatives quant aux incidences négatives réelles et potentielles sur les droits de l’homme et sur l’environnement.  

 

Elle oblige également les entreprises à obtenir des garanties contractuelles des partenaires commerciaux avec lesquels elles entretiennent une relation commerciale directe, garanties dont elles doivent vérifier le respect, par exemple par des initiatives sectorielles appropriées ou des vérifications par un tiers indépendant.

 

La création de ce pôle spécialisé est bienvenue, compte tenu de la complexité de ce type de litige.

 

Elle témoigne également du développement des contentieux liés au devoir de vigilance. En effet, les syndicats, ONG et associations de défense des droits humains et de l’environnement n’hésitent pas à mettre les entreprises en demeure de respecter leurs obligations au titre de leur devoir de vigilance.

  

Le 5 décembre dernier par exemple, la Poste a été condamnée par le tribunal judiciaire de Paris pour des manquements au devoir de vigilance. Elle avait été assignée parle syndicat Sud PTT qui considérait que son plan de vigilance ne répondait pas aux exigences légales, notamment en ce que la cartographie des risques ne comportait que des considérations générales non exhaustives et sans lien systématique avec un risque identifié de recours au travail irrégulier dans le cadre de la sous-traitance.

 

Le jugement a ordonné à La Poste de compléter son plan de vigilance par une cartographie des risques, et par un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements, après avoir procédé à une concertation des organisations syndicales. Le tribunal a également enjoint à la Poste d’établir des procédures d’évaluation des sous-traitants en fonction des risques identifiés, et de publier un réel dispositif de suivi des mesures de vigilance.

 

Ce jugement, qui contient de précieuses informations sur la manière de mettre en œuvre un plan de vigilance, insiste sur le rôle des parties prenantes dans l’élaboration du plan.

 

Il est fort à parier qu’avec la création d’une chambre dédiée les litiges relatifs au devoir de vigilances et à la publication d’informations en matière de durabilité vont se multiplier.

 

Les entreprises doivent donc redoubler d’attention quant à l’établissement de leur plan de vigilance et s’assurer, autant que faire se peut, de manière effective du respect, par leurs filiales et leurs partenaires commerciaux, des droits de l’Homme et de l’environnement.  

 


[1]La directive européenne a un champ d’application plus large que la loi française, dès lors qu’entrent dans son champ d’application les entreprises de plus de 500 salariés ayant un chiffre d’affaires de plus de150 000 000 euros au niveau mondial, ces seuils étant abaissés pour les entreprises opérant dans certains secteurs, notamment le textile, l’agriculture et la pêche, et les exploitations de ressources minérales (versus5.000 salariés pour la loi française).