ACTUALITE DROIT SOCIAL

 

Jurisprudence

 

·       Rémunération, congés payés

 

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. le salarié doit établir l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du seul retard de paiement des salaires (Cass. soc. 13 déc. 2023 n° 22-19.121)

 

Ayant constaté que l'employeur avait pendant plus de sept années versé de façon continue au salarié des primes d'équipe et de casse-croûte, auxquelles celui-ci, faute de travailler en équipe, ne pouvait prétendre, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir leur contractualisation, a pu écarter l'existence d'une d'erreur dans le paiement de ces primes (Cass. soc. 13déc. 2023 n° 21-25.501)

 

En matière d’absence pour arrêt maladie, les États membres peuvent limiter la durée de la période de report des congés payés à 15 mois et le salarié peut voir sa demande limitée à 2 périodes de référence consécutives (CJUE 9 nov. 2023 aff. 271/22, XT. c/ Keolis Agen Sarl)

 

Le salarié ayant accompli des heures supplémentaires le conduisant à dépasser la durée maximale du travail a droit, peut se voir attribuer en plus du paiement de ses heures, des dommages et intérêts sans avoir à démontrer l'existence d'un préjudice spécifique (Cass. soc., 8 nov. 2023, n° 22-19.080)

 

Lorsqu'elle est payée en vertu d'un engagement unilatéral, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement.

Seule une clause précise définissant objectivement l'étendue et les limites de l'obligation souscrite peut constituer une condition d'application d'un tel engagement. le salarié doit donc pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues. Lorsque l'un des éléments composant la partie variable de la rémunération est fondé sur des données confidentielles non portées à la connaissance du salarié en début d'exercice, l'obligations de transparence à la charge de l'employeur n'est pas respectée(Cass. soc., 27 sept. 2023, n° 22-13.082)

 

·       Contrat de travail

 

L'employeur qui propose au salarié une modification de son contrat de travail pour un motif économique est tenu de l'informer de ses nouvelles conditions d'emploi afin de lui permettre de prendre position sur l'offre qui lui est faite en mesurant les conséquences de son choix.

Ne remplit pas cette condition la proposition qui ne mentionne ni la date d'affectation définitive du salarié, ni le ou les lieux temporaires d'affectation (Cass. soc., 8 nov. 2023, n° 22-10.350)

 

L'employeur, qui n'a pas mentionné dans la lettre de proposition de modification du contrat de travail le motif économique pour lequel cette modification est envisagée ne peut se prévaloir, en l'absence de réponse du salarié dans le mois, d'une acceptation de la modification du contrat de travail (Cass. soc., 8 nov.2023, n° 22-11.369)

Est nulle la clause de non-concurrence aux termes de laquelle l'employeur se réserve seul la faculté de renouveler la durée de l'interdiction de concurrence (Cass. soc., 13 sept. 2023, n°21-12.006)

 

·       Durée du travail

 

La preuve du respect des durées maximales de travail incombe à l'entreprise utilisatrice (Cass. soc.,25 oct. 2023, n° 21-21.946)

 

Le dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit ouvre, à lui seul, droit à la réparation (Cass. soc., 27 sept. 2023, n° 21-24.782)

 

·       Rupture du contrat de travail

 

Nouvelle censure d’une Cour d’Appel qui avait écarté le barème d’indemnisation prévu à l’article L1235-3 du code du travail (Cass. soc., 6déc. 2023, n° 21-24.075)

 

En cas de licenciement d'un salarié à raison de la commission de faits de harcèlement moral, le rapport de l'enquête interne, peut être produit par l'employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié. Il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties (Cass. soc. 6déc. 2023 n° 22-14.062)

 

Il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de congé maternité, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision. L’envoi d'une lettre de convocation à entretien préalable durant cette période rend nul le licenciement subséquent (Cass. soc. 29nov. 2023 n° 22-15.794)

 

L'erreur sur l'intitulé de poste dans l'avis d'inaptitude rendu par la médecine du travail n'est pas de nature à remettre en cause la régularité du licenciement subséquent (Cass. soc., 25oct. 2023, n°22-12.833)

 

La salariée avait saisi en 2015 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif que l'employeur n'avait pas organisé de visite de reprise devant le médecin du travail après avoir été informé de son classement en invalidité de deuxième catégorie en2009.La Cour d'Appel avait jugé cette demande prescrite. Cet arrêt est censuré par la Cour de cassation : l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n'a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande (Cass. soc., 27 sept. 2023, n°21-25.973)

 

·       Licenciement pour motif économique

 

Lorsqu'un salarié adhère à un contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti. Si cette adhésion ne prive pas le salarié du droit de contester le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, elle entraîne toutefois nécessairement renonciation de sa part aux propositions de reclassement qui lui ont été faites (Cass. soc. 6 déc. 2023 n° 21-25.012)

 

L'existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture conventionnelle, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture. Tel est le cas lorsqu’à été laissé le choix au salarié entre un licenciement pour faute lourde et une rupture conventionnelle et que celui-ci n'a pas usé de son droit de rétractation (Cass. soc. 15 nov. 2023 n° 22-16.957)

 

Le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité. Seule importe donc la condition de permutation du personnel et plus le secteur d’activité (Cass. soc., 8 nov. 2023, n° 22-18.784)

  

Il incombe à l'administration de contrôler que les éléments, déterminés par l'employeur, sur la base desquels les critères seront mis en œuvre pour déterminer l'ordre des licenciements, ne sont ni discriminatoires, ni dépourvus de rapport avec l'objet même de ces critères. L'administration prend en compte à cet effet l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment les justifications objectives et vérifiables fournies par l'employeur. S’agissant du critère d'ordre relatif aux qualités professionnelles, dont les éléments d'appréciation peuvent différer selon les catégories professionnelles définies par le plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient en particulier à l'administration de vérifier que les éléments d'appréciation de ce critère, retenus par l'employeur, ne sont pas insusceptibles de permettre de prendre en compte les qualités professionnelles des salariés de la ou des catégories professionnelles afférentes et n'ont pas été définis dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou à leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée (CE 4e-1e ch. 31 oct. 2023 n° 456332)

 

Au titre de son obligation de reclassement pour motif économique, l'employeur doit proposer les postes aptes à être occupés par les salariés licenciés, quand bien même ceux-ci seraient précaires et destinés à assurer le maintien de l'activité de l'établissement avant sa fermeture (Cass. soc., 4 oct. 2023, n°21-23.071)

 

·       Inaptitude

 

L’avis du médecin du travail précise à la fois que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », et que l'inaptitude faisait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi, l'employeur doit rechercher un reclassement hors de l'établissement auquel le salarié était affecté (Cass. soc., 13 déc. 2023, n° 22-19.603)

 

  

·       Contentieux

 

L’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats. Il appartient au juge d'apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. la Cour de cassation a considéré que des photos issues de réseaux sociaux pouvaient être produites aux débats par l'employeur (Cass. soc., 4 oct. 2023, n° 21-25.452 et n° 22-18.217)

 

Les inspecteurs du recouvrement ne sont pas autorisés à solliciter des documents d'un salarié de l'employeur qui n'a pas reçu délégation à cet effet (Cass.2e civ., 28 sept. 2023, n° 21-21.633)

 

la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, juge au visa notamment de l'article 6 § 1 de la CESDH que "désormais, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats". Dorénavant, le droit à la preuve pourra justifier la communication d'éléments portant atteinte à d'autres droits (droit à la vie privée par exemple) si cette production est indispensable à son exercice et l'atteinte, strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. soc 22 déc. 2023 n° 20-20.648)

 

 

·       Relations collectives/salariés protégés

 

Lorsque les faits pour lesquels l'autorisation administrative de licenciement a été définitivement accordée ont fait l'objet de poursuites pénales à la suite desquelles le salarié a bénéficié d'une relaxe, le juge prud'homal ne peut pas qualifier ces mêmes faits de faute grave (Cass. soc. 6 déc. 2023 n° 22-18.325)

 

Une OS non représentative peut constituer une section syndicale dès lors qu’elle justifie d’au moins deux adhérents. Elle ne peut désigner un représentant de la section syndicale que si elle justifie qu’au moment de sa désignation, au moins deux adhérents sont à jour de leurs cotisations peu important que les statuts de l’OS prévoient que n'est réputé démissionnaire un adhérent qu'en cas de retard de paiement de plus de trois mois (Cass. soc., 22 nov. 2023, n° 23-12.596)

 

Le manquement de l'employeur à l'obligation d'information et de consultation des instances représentatives du personnel n'est pas de nature à causer au salarié, agissant à titre individuel, un préjudice personnel et direct (Cass. soc. 22 nov. 2023 n°20-23.640)

 

Une salariée protégée est licenciée en 2014. L'autorisation de licenciement est annulée en 2015. Faute de réintégration, la salariée sollicite la résiliation judicaire du contrat de travail. Il y a donc 2 licenciements et la salariée peut dans ce cas solliciter l'indemnisation du 1er licenciement nul ainsi que celle du 2nd licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 8 nov. 2023, n° 22-17.919)

 

Lorsque l'autorité administrative a été saisie pour fixer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux, les mandats des élus en cours sont prorogés de plein droit jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin et ce même si la Dreets a refusé de statuer sur cette répartition (Cass. soc., 8 nov. 2023, n° 22-22.524)

 

La contestation par l'employeur de la prise en charge d'expertises décidées par le CSE au motif qu'il s'agit d'expertises libres constitue une contestation de la nécessité de l'expertise. L'employeur doit donc agir dans les 10 jours de la délibération du CSE (Cass. soc., 18 oct. 2023, n° 22-10.761)

 

Lorsque la mise à la retraite a été notifiée à un salarié protégé à la suite d'une autorisation administrative accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture (Cass. soc., 4 oct. 2023, n°22-13.718)

 

Aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé quand bien même cette protection serait intervenue postérieurement à la convocation de la salariée à l'entretien préalable à la sanction disciplinaire (Cass. soc., 4 oct. 2023,n° 22-12.922)